TIC et Genre 
(Burkina Faso, avec l’association RENAF NTIC)

 

Haoua  Koné Tago 

Haoua  Koné/Tago (1962, Burkina Faso) est à l'origine professeur d'anglais, mais elle est désormais spécialiste  en TIC et Education, diplômée d'un DU de communicateur Multimédia (RESAFAD) et d'un Master2 UTICEF de l'Université Louis PASTEUR de Strasbourg. A ce titre, elle mène de nombreuses d'activités de formations et de recherches en TIC.
Elle a en particulier développé beaucoup d'initiatives dans le domaine de l'appui au genre, qui permettent à de nombreuses personnes de se retrouver virtuellement et aussi en présentiel pour discuter de l'apport des TIC dans la recherche de l'équité entre genres dans le société de l'information.
Elle est  ainsi la Présidente fondatrice du Réseau National Genre et TIC (RENAFNTIC, devenu en 2008 RENAGETIC) ainsi que la modératrice de la liste TIC-genre- BF qui a été créée en 2006. 
Elle est membre de l'administration Burkinabé, au sein de laquelle son poste est intitulé :  "Chargée de recherche en Alphabétisation et Education Non Formelle" à la Direction de la Recherche et des Innovations en Education Non formelle et en Alphabétisation » (DRINA).

Madame Koné nous a très chaleureusement accueillies dans son association ainsi qu’au Burkina Faso. Après qu’elle nous ait présenté en détail les différentes activités de RENAF NTIC, nous avons réfléchi avec elle sur ce que nous pourrions apporter, pendant notre passage à Ouagadougou, aux membres de l’association. Nous avons ainsi organisé et animé 2 séances de formation au logiciel Photoshop pour les membres du RENAF TIC ainsi que des salariés du Ministère de l'Education. Nous avons aussi, d’un côté plus personnel, eu la chance et le plaisir d’être invitées à fêter le Ramadan avec la famille de Madame Koné. 

 

Interview de Haoua Koné/Tago (octobre 206)

Pouvez-vous nous raconter votre parcours en quelques phrases?

Je travaille dans le domaine des TIC (Technologies de l’Information et la Communication) depuis 1997. J’ai suivi des formations professionnelles en TIC et j’ai constaté que les femmes étaient rares dans le domaine. Avec deux autres amies, nous avons décidé de faire quelque chose pour aider les femmes à se former. C’est ainsi qu’est né le RENAF-NTIC dont je suis la présidente.

Pourquoi avez-vous décidé de créer cette association ?

Nous avons décidé de créer l’association pour offrir un cadre d’échange, de communication, d’information et de formations des femmes aux NTIC. Les NTIC sont un puissant moyen de développement. Elles améliorent les compétences et facilitent la mise en oeuvre des activités.

Quels sont les objectifs et actions de l’association ?

Les objectifs du RENAF-NTIC sont entre autre de :

  • Favoriser la communication entre les femmes
  • Offrir des opportunités aux femmes entrepreneurs de rencontrer des partenaires sur le net pour développer leurs activités professionnelles, socio-économiques, etc...

Personnellement, quel est votre travail au quotidien ?

Mon travail au quotidien se résume à :

  • Traitement du courrier officiel du MEBA sur les TIC le matin
  • Formation des enseignants en informatique (Word, Excel, PowerPoint, Windows) dans l’après-midi
  • Donner des cours d’anglais (vacation) dans un institut supérieur privé de la place
  • Modérer la liste de discussion TIC-genre-BF
  • Participer aux rencontres ou le RENAF-NTIC est invité

Quels sont les résultats de votre action ?

Les résultats obtenus : nous avons déjà aidé plus d’une cinquantaine de femmes à s’initier en informatique en négociant des sessions de formations avec les sociétés informatiques partenaires de la place (DELGI, RESAFAD...).

L’association a-t-elle des projets de développement ?

Oui, le RENAF-NTIC a des projets de développement : nous avons l’intention de mettre en place un centre informatique national pour les femmes.

Combien travaillent dans l’association ?

  • Coordination nationale (et son adjointe)
  • Secrétaire générale informatique et communication (et son adjointe)
  • Secrétaire générale organisation (et son adjointe)
  • Affaire économique et financières (et son adjointe)
  • Commissaire aux comptes (1er et 2eme)
  • Un gestionnaire et une secrétaire recrutée

Quelle est la population cible ? Dans quelle optique (professionnelle/ développement personnel/ etc...) les femmes s’inscrivent-elles aux formations proposées ?

La population cible est : femmes membres de l’association ainsi que les femmes des autres associations. Elles s’inscrivent aux formations dans l’optique d’une amélioration de leur capacité de gestion et d’administration du réseau.

Quelles sont vos sources de financement et partenaires ?

Nous fonctionnons grâce aux cotisations des membres. Nous n’avons pas encore bénéficié de financements, ce qui explique la lenteur dans la mise en place du centre de formation.

Que pensez-vous personnellement du statut des femmes au Burkina Faso ?

La femme Burkinabé a un statut noble au point de vue social et légal. Mais la pratique n’est pas souvent conforme aux textes en vigueur. La femme Burkinabé est victime de pesanteurs socioculturelles telles que l’excision, le mariage forcé, la polygamie, le lévirat, la discrimination dans les emplois et le leadership.

Quels problèmes rencontrés par les femmes et les fillettes, vis à vis de l’éducation plus particulièrement, avez vous pu identifier ?

Les filles ne sont pas toutes inscrites à l’école parce que les parents pensent qu’une fille éduquée ne sera plus soumise à ses parents et refusera le mariage forcé et/ou la polygamie. Les filles scolarisées ne seront pas soumises à un mari. Elles refuseront certaines pratiques humiliantes.

Les femmes sont très chargées par les travaux ménagers : éducation des enfants, cuisine, recherche d’eau et de bois, travaux champêtres... Elles n’ont pas le temps de se faire alphabétiser.

Qu’est ce qui, concernant le statut des femmes, vous révolte le plus ?

  • L’excision : couper le clitoris
  • Le lévirat : épouser le frère de son défunt mari
  • Le mariage forcé : épouser un vieux de 60 ans alors qu’on a 18 ans
  • La polygamie : partager son époux avec 2, 3 ou 4 autres femmes, c’est horrible !

Selon vous, quels sont les points majeurs sur lesquels il faut concentrer les actions ?

Il faut concentrer les actions sur l’éducation des filles et l’alphabétisation des hommes et femmes (adultes). Offrir des points d’accès aux NTIC aux femmes pour les amener à découvrir des choses et défendre leur droit. Leur permettre d’avoir des partenaires en vue de promouvoir leurs activités socioéconomiques.

Est-ce que vous avez envie de dire quelque chose de particulier, de faire passer un message ?

Oui, Marie et Marlène, soyez nos portes paroles auprès des organisations caritatives, organisations humanitaires et associations. Nous sommes en quêtes de matériel informatique, audiovisuel de seconde main pour la mise en place de nos centres de formations pour femmes. Avec les points d’accès en NTIC, nous pouvons mieux sensibiliser les femmes à la revendication de leurs droits. Les jeunes filles sans emplois ont besoin d’encadrement pour améliorer leurs compétences. Elles son très vulnérables sur le marché du travail. Si nous les encadrons, elles seront en position favorable dans leur recherche d’emploi. Notre action n’est pas féministe, c’est une discrimination positive. Nous n’excluons pas totalement les hommes, nous allons les prendre en compte dans la mesure du possible.
Pour l’acquisition des ordinateurs et autres appareils, nous sommes prêtes à nous cotiser pour assurer les frais de transport si cela est nécessaire.
C’est un cri du coeur !
Merci d’avance
 

Comment les TIC peuvent-elles aider les femmes à s’émanciper? 


Les Nations unies placent désormais l’accès aux TIC comme un élément indispensable au développement des femmes dans le monde, après la lutte contre la pauvreté, l’exclusion et la violence. Où en est-on aujourd’hui au Burkina Faso ? Et en quoi les TIC peuvent-elles effectivement jouer un rôle majeur pour l’émancipation des femmes ? 

Un sérieux déséquilibre hommes/femmes face aux TIC en Afrique francophone

Selon une étude sur la fracture numérique de genre en Afrique Francophone réalisée par Sylvestre Ouédraogo en 2004-2005,
« les femmes ont globalement un tiers de chances en moins que les hommes de bénéficier des avantages de la société africaine de l’information». «Seules les populations jeunes et scolarisées en cycle secondaire semblent échapper aux disparités de genr». Un grand nombre d’obstacles expliquent ces difficultés d’accès aux nouvelles technologies : la barrière économique, les ordinateurs étant très chers, le manque de temps, devant assurer l’ensemble des tâches domestiques en plus de leur emploi ou du travail aux champs et le conditionnement social, qui les poussent à croire que l’informatique est une affaire  d’hommes. Ainsi, au Burkina Faso, les filles représentent moins de 1% des étudiants dans les formations supérieures en informatique. Dans le domaine professionnel, les femmes qui interviennent dans le secteur de la communication assurent en majorité des tâches d’exécution.

L’utilisation des TIC par les femmes, en particulier d’Internet, est souvent  limitée à la consommation de produits culturels étrangers. Elles n’en ont donc qu’une utilisation restreinte et ne sont pas, en général, actrice de la création et du partage de l’information via ces technologies.

Les TIC, un vecteur majeur de développement

 

L’utilisation des TIC pour les femmes leur offre des perspectives sur de nombreux plans : communication, petit commerce, participation à des processus de décision, préservation de l’héritage africain, etc. 

Par le biais des TIC les femmes peuvent améliorer leur situation économique :

  • En milieu rural, la maitrise des TIC leur permet d’améliorer le marketing de leurs produits (meilleure définition du prix par rapport aux concurrents grâce à l’accès à l’information, supports de communication,  design de l’emballage de leur produits, sites web), d’optimiser la gestion de leur activité (bases de données pour recenser production) et en leur permettant de trouver de nouveaux débouchés commerciaux (prospection des clients, vente en ligne, etc.). 
  • En ville, la maitrise des nouvelles technologies leur donne accès à des postes à plus hautes responsabilités, et non à de simples tâches d’exécution. 
  • De façon générale, les TIC permettent la mise en réseau des femmes œuvrant dans le même secteur d’activité et favorise les échanges d'expériences, de partage de connaissance et du savoir-faire. Elles sont également une ressource formidable et principalement gratuite d’information, qui vont leur permettre d’enrichir constamment leur savoir, que ce soit dans leur secteur d'activité ou dans toute autre domaine les intéressant. 

Les TIC sont également des outils de communication très efficaces pour  les actions de plaidoyer, permettant à une campagne de toucher des millions de personnes très rapidement et de lancer des appels à l'action et des pétitions en ligne afin de faire pression efficacement sur les gouvernements. Elles permettent également  la sensibilisation aux problèmes majeurs qui touchent les femmes (les violences conjugales, les mariages forcés, le lévirat, l’excision, la pandémie du Sida, la santé de la reproduction…).  Les réseaux sociaux, YouTube, les blogues, forums et autres espaces d’échange d'informations sont des outils accessibles et économiques pour donner des conseils, du soutien juridique, enregistrer des abus, réunir des preuves, sensibiliser le public, faire de la publicité et mobiliser le soutien autour des questions qui préoccupent les femmes. Celle-ci peuvent également s’exprimer, partager avec d’autres des choses personnelles, parfois tabous, qu’elles ne parviennent pas toujours à exprimer autrement.  Les TIC leur permet de se faire entendre, de se libérer de ce qu’elles ont vécu, d’exprimer le mal qu’elles subissent, et ce tout  en pouvant conserver  l’anonymat. Une association au Mali luttant contre les violences conjugales a ainsi créé avec des femmes victimes  des vidéos anonymes de 3-4 minutes pour que celles-ci puissent témoigner.  Les victimes de violences conjugales, en créant des histoires numériques,  dénoncent avec leurs propres mots ce qui leur est arrivé ;  entrent en contact avec d’autres victimes, se solidarisent et contribuent elles-mêmes à leur rétablissement.

Enfin, comme l’explique Nnenna Nwakanma, activiste ivoirienne pour les logiciels open source (FLOSS), .  « Les femmes jouent aussi un rôle essentiel de gardiennes de la culture et de l’héritage africains, et les TIC leur donnent les moyens d’assumer ce rôle. En numérisant notre mémoire collective, en fixant la tradition orale par l’écrit et en créant nos propres contenus, en narrant nos propres histoires et en peignant nos propres tableaux, nous perpétuons l’héritage africain. ». Il est primordial que les femmes africaines deviennent actrice du partage de l’information en ligne afin qu’elles puissent continuer d’assumer ce rôle de transmission qu’elles ont toujours rempli au sein de leur communauté. 


 

Les Nations unies placent désormais l’accès aux TIC comme un élément indispensable au développement des femmes dans le monde, après la lutte contre la pauvreté, l’exclusion et la violence. Où en est-on aujourd’hui au Burkina Faso ? Et en quoi les TIC peuvent-elles effectivement jouer un rôle majeur pour l’émancipation des femmes ? 
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L’utilisation des TIC par les femmes, en particulier d’Internet, est souvent  limitée à la consommation de produits culturels étrangers. Elles n’en ont donc qu’une utilisation restreinte et ne sont pas, en général, actrice de la création et du partage de l’information via ces technologies.

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